Le développement et l'autocompassion peuvent-ils coexister ?
Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours eu une forte envie de grandir. Cela venait en partie d'un réel désir d'avoir un impact positif, de contribuer à façonner le monde dont j'ai hérité d'une manière plus aimante et plus humaine.
Mais cette intention s'accompagnait également d'un effort plus silencieux pour se sentir enfin "assez bien".
L'intention n'était pas mauvaise. Elle m'a poussé à apprendre, à me dépasser et à relever de grands défis, mais elle s'accompagnait souvent d'une pression subtile pour que je corrige ou prouve quelque chose à mon sujet. Au fil du temps, j'ai remarqué à quel point ce sentiment était différent de celui d'une croissance fondée sur l'amour, la curiosité et l'expansion naturelle. L'un contracte, l'autre ouvre. L'une resserre mon attention sur ce qui manque ; l'autre me permet de respirer, d'explorer des possibilités imprévues et de rester présent.
La pression remplace la présence
Cette pression se manifestait partout, y compris dans le domaine du coaching et de la facilitation. Dans certaines conversations, une voix intérieure murmurait : "Si je ne parviens pas à résoudre ce problème tout de suite, je ne serai jamais un bon coach ou un bon animateur".
L'ironie est que cette pression, qui provenait du désir sincère de bien servir, a détourné mon attention de la personne en face de moi et l'a ramenée sur moi-même. Au lieu d'écouter profondément, je cherchais des signes d'échec, ce qui rendait encore plus difficile de relever le défi de manière satisfaisante. Et lorsque je me sentais mal, ce qui arrive inévitablement de temps en temps, cela semblait confirmer l'idée que je n'étais pas assez bon. La spirale s'est alimentée d'elle-même.
Apprendre sans juger
Les enfants en bas âge qui apprennent à marcher sont une métaphore utile pour moi. Ils ne se jugent pas eux-mêmes s'ils tombent. Ils n'interprètent pas un vacillement comme la preuve d'un manque de valeur. Ils font un pas, tombent, se relèvent et recommencent. Ils sont constamment animés par la curiosité et le plaisir inhérent à l'apprentissage.
En cours de route, beaucoup d'entre nous perdent cette liberté. C'est certainement mon cas. Nous tombons toujours, mais maintenant nous faisons en sorte que cela ait une incidence sur notre valeur. Et lorsque la pression de "bien faire" devient trop forte, la joie naturelle d'apprendre qui nous a aidés à grandir est mise de côté.
Un petit acte d'autocompassion
Une chose qui m'a aidé à interrompre la spirale descendante dans les conversations de coaching est une simple pause d'auto-compassion :
"Oof... c'est dur et inconfortable en ce moment. Ce n'est probablement pas aussi grave que mon esprit le laisse entendre. Je ne suis probablement pas le seul être humain à trouver ce moment difficile. Restons avec le client et faisons confiance à notre capacité à trouver notre chemin."
Ce petit changement change tout. Il nomme la difficulté sans la combattre. Il ouvre la possibilité que le moment soit réalisable. Et je ne compte plus le nombre de fois où le chemin vers l'avant a émergé de manière inattendue une fois que j'ai cessé de forcer les choses.
Ce que l'autocompassion rend possible
Lorsque je m'arrête et que je fais face à l'inconfort avec compassion, quelque chose change. Au lieu de me crisper, je m'adoucis. Au lieu de tomber dans la spirale de l'auto-jugement, de la procrastination et de la fermeture, je retrouve l'accès à ma curiosité, à ma présence et à mon intuition. À partir de là, l'apprentissage devient plus facile. Expérimenter devient moins risqué. Les erreurs deviennent des données plutôt que des menaces.
Cela crée un cercle vertueux :
autocompassion → meilleure régulation → présence plus claire → meilleurs résultats → plus de confiance → croissance plus profonde → plus d'autocompassion.
Parce que je ne me bats plus contre moi-même, la liberté et le plaisir font à nouveau partie du processus de croissance. Et avec eux vient l'élan : une motivation plus soutenue, une expérimentation plus audacieuse, une plus grande ouverture au retour d'information et un plus grand courage pour demander de l'aide.
D'après mon expérience, le développement et l'autocompassion ne se contentent pas de coexister. Ils se renforcent mutuellement. L'environnement intérieur qui nous permet de grandir est le même que celui qui nous permet d'être bienveillants envers nous-mêmes : ouverts, curieux, flexibles, réceptifs.
🌱Pause- Réflexion - Pratique
Faites une pause : Où, dans votre vie, vous mettez-vous la pression pour que tout aille bien et perdez-vous l'accès à la présence ou à la curiosité ? Coaching, parentalité, travail créatif, relations ?
Réfléchissez : Qu'est-ce qui pourrait devenir possible dans ces domaines si la volonté de progresser était accueillie avec plus de chaleur et moins de pression ? Si les erreurs ne signifiaient pas quelque chose quant à votre valeur ?
Pratique : Dans tous les domaines de votre vie où vous avez besoin de plus de gentillesse, essayez la pause d'autocompassion de Kristin Neff. Il s'agit d'une pratique courte et instantanée en trois étapes :
Mindfulness :
Reconnaissez ce qui est difficile sans le minimiser ou l'exagérer. Ressentez l'inconfort émotionnel dans votre corps si vous le pouvez.
("C'est un moment de lutte.")Humanité commune :
Rappelez-vous que les défis et les imperfections font partie de l'être humain.
("Je ne suis pas seul dans cette situation.")Bienveillance à l'égard de soi-même :
Offrez-vous une déclaration ou un geste chaleureux et encourageant.
("Puissé-je être bienveillant à l'égard de moi-même en cet instant.")
.
Vous pouvez en savoir plus sur cette pratique à l'adresse suivante : https://self-compassion.org/exercises/exercise-2-self-compassion-break/

